Le nombre de fonctionnaires, une contribution au débat public

15 mars 2017

Le Cercle de la Réforme de l’Etat, groupe apolitique de fonctionnaires, de membres de la société civile, de chercheurs et d’experts des secteurs public et privé, a jugé utile de préciser cette notion et de montrer, sur un plan méthodologique, les implications de son utilisation.

Le nombre de fonctionnaires, ou plus précisément d’agents publics[1], est, pour beaucoup de nos concitoyens et des politiques qui s’adressent à eux, une notion centrale dans le débat public, qu’il s’agisse de le réduire ou de l’augmenter.

Le Cercle de la Réforme de l’Etat, groupe apolitique de fonctionnaires, de membres de la société civile, de chercheurs et d’experts des secteurs public et privé, a jugé utile de préciser cette notion et de montrer, sur un plan méthodologique, les implications de son utilisation. 

La situation des finances publiques françaises, et le poids croissant de la dette, sont évidemment une des principales motivations avancées par ceux qui voient dans la réduction des emplois publics une manière d’alléger ce poids et de réduire les prélèvements obligatoires. Il est de fait que, dans le budget de l’Etat par exemple, le personnel représente environ 40 % des dépenses.

Toutefois il est en réalité difficile d’évaluer précisément les impacts d’une réduction des effectifs sur les budgets publics, les conséquences n’en étant en rien mécaniques, en raison des modalités variées qui peuvent mener à cette réduction (augmentation de la durée du travail, externalisation de certaines tâches au secteur privé, gains de productivité, etc.).

En outre il est encore plus difficile d’estimer l’impact d’une telle réduction sur la société, tant en termes économiques que sociaux. On pourrait tout autant observer des gains de productivité à service inchangé, que des baisses de qualité du service public, ou des pertes de compétence pour la puissance publique. Sur le plan de l’emploi, augmentation du chômage et création d’emplois pourraient se combiner.

Pour affiner le raisonnement, on est alors conduit à s’interroger sur les déterminants du volume d’emploi public. On peut mettre à jour huit grands déterminants (ou « inducteurs ») du volume d’emploi public :

  • Le champ d’intervention de l’État
  • Les modes d’action publique
  • Le degré d’intégration verticale des activités publiques
  • L’intensité capitalistique et l’utilisation de la technologie
  • Les choix de qualité et de contrôle
  • L’organisation et le management de l’action publique
  • Le régime de travail des agents publics et notamment le temps de travail.
  • La qualification et l’expertise du personnel

 C’est la combinaison entre ces variables qui permet d’expliquer le volume d’emploi à un instant donné. Si l’on fixe de manière exogène la cible en matière d’emploi, et si l’on ne se contente pas de jouer sur l’effet mécanique mais aveugle des départs à la retraite, ces déterminants apparaissent comme les leviers sur lesquels le gouvernement, au niveau central, devrait agir. Or ces différents leviers sont loin d’être aussi faciles et rapides à manier les uns que les autres. Même le jeu sur la durée du travail (passer de 35 à 39h), le plus simple a priori et le plus facilement « actionnable » à court terme, ne produirait aucun effet mécanique facile à évaluer, dans la mesure où la durée du travail effective est souvent supérieure à la durée légale, et où, en particulier, l’augmentation de la durée du travail pourrait s’accompagner de réajustements de rémunération. Les autres leviers ont des impacts quantitatifs encore plus aléatoires, et, en tout état de cause, peu d’effets à court terme. Quant à laisser les échelons déconcentrés gérer la réduction des effectifs, cela peut, dans certaines limites, être la méthode la plus indolore, mais cela revient à se reposer sur les capacités de management de leurs responsables, et ne garantit pas la cohérence, au niveau national, des choix effectués.

En tout état de cause, pour gérer une réduction des effectifs publics, à règles statutaires inchangées, les méthodes de conduite du changement sont cruciales, et diffèrent en outre selon que l’on agit dans le cadre de la Fonction Publique d’Etat ou des autres Fonctions publiques. Les collectivités territoriales et les établissements de santé jouissent en effet d’une certaine autonomie qui oblige à passer davantage par des mécanismes incitatifs que par des décisions prises au sommet de l’Etat. Dans tous les cas de figure, un accompagnement managérial rapproché, demandant des moyens financiers, sera nécessaire si l’on veut éviter soubresauts sociaux et perte de motivation des agents publics.

Jouer sur le volume d’emploi public s’avère donc, quelles que soient les motivations qui poussent à le faire, dans un sens ou dans un autre, une décision aux impacts multiples, difficiles à quantifier, rarement immédiats, et parfois contradictoires avec les attentes initiales. Les méthodes pour y arriver sont elles-mêmes multiples, et aucune d’entre elles n’apparaît simple à manier et dénuée d’effets collatéraux. Enfin, les objectifs et les méthodes mises au service de ces objectifs, ne peuvent être uniformes, et se doivent d’être déclinés par secteurs et par types d’organisations publiques concernées.

 Dans ces conditions, le Cercle, organisation non partisane comme on l’a dit, a le souci, par cette note, d’éclairer un débat qui, à ses yeux, simplifie dangereusement une problématique complexe. Dans cet esprit, il formule in fine quelques recommandations de méthodes, avec trois objectifs :

  • Informer les citoyens le plus objectivement possible des enjeux touchant à l’emploi public,
  • Faire étayer de façon rigoureuse les décisions ayant une répercussion directe sur le nombre d’agents publics,

Faire respecter des principes susceptibles, quelle que soit les décisions prises en matière de variation du nombre d’emplois publics, d’assurer une fonction publique de qualité et pour cela motivée.

[1] Nous choisissons de raisonner sur la notion d’agents publics, plus large que celle de fonctionnaires, en ce qu’elle prend en compte la variété possible des statuts -fonctionnaire, contractuel, vacataire…

Le nombre de fonctionnaires, une contribution au débat public